CAHIER N°59

INTIME, PRIVÉ, PUBLIC EN PROTECTION DE L’ENFANCE

Dilemmes et paradoxes

Le thème « Intime, privé, public » développé dans ce numéro des cahiers de l’AFIREM est un sujet d’actualité qui concerne chacun de nous en tant que citoyen, mais de façon plus directe, tous les acteurs de la protection de l’enfance.

Au nom de leur mission de protection, ces professionnels sont confrontés à la vie privée et à l’intimité des familles. Cette intrusion obligée, voire imposée, de la sphère publique dans la sphère privée, dans l’intimité des enfants et de leurs parents soulève un certain nombre de questions et nécessite une clarification de ces différents concepts.

  • Comment concilier cette double fonction, qui peut être paradoxale, de contrôle social et d’aide au nom de la protection de l’enfance ?
  • Comment respecter l’intimité dans laquelle il nous est demandé de pénétrer, les éléments de la vie privée qui nous sont donnés à voir alors que notre mission nous oblige à transmettre ce que nous avons appris, ce que nous avons observé ? Comment gérer le conflit de loyauté à l’égard des familles, en lien avec ce paradoxe.
  • Comment traiter le sentiment de culpabilité lié au risque d’emprise des professionnels, qui agissent avec les meilleures intentions du monde, dans l’intérêt de l’enfant en danger et de ses parents défaillants, en difficulté et/ou en souffrance.
  • L’intimité des familles ne risque-t-elle pas de venir à son tour faire effraction dans l’intimité des professionnels avec une possible « contamination » par des personnalités pathologiques induisant des dysfonctionnements dans les équipes ?
  • Comment penser la rencontre de deux subjectivités, celle de la famille et celle des professionnels et éviter là encore une « contamination » réciproque ?

Il a semblé important de nous interroger sur toutes ces questions soulevées par cette intrusion de l’espace public dans les espaces privés et intimes, au nom de la protection de l’enfance, afin de proposer des moyens d’agir avec « tact et discrétion » pour reprendre la belle formule choisie par le Docteur Carel dans le titre de son article, à propos du partage du secret professionnel.

Gabrielle RADICA, philosophe, parle de la construction, du sens et des frontières de ces trois espaces qui évoluent en fonction du temps et des cultures. Ne peut-on pas dire qu’actuellement l’intime s’expose de plus en plus au point que Serge Tisseron parle d’un nouvel espace qu’il appelle « l’extime » alors que le public peut paraître au contraire plus opaque.

Dans cet espace privé où se vit l’intimité de chaque membre de la famille, quelle place fait-on au besoin de pudeur de l’enfant, que recouvre ce terme qu’on a peut-être trop tendance à ne restreindre qu’à son aspect corporel ? Comment cette pudeur peut être mise à mal dans nos investigations, nos expertises. José MOREL CINQ-MARS, psychologue, psychanalyste a beaucoup travaillé cette question.

Michelle ROUYER psychiatre, complète cette réflexion en présentant cette notion de pudeur à travers les âges.

Le docteur André CAREL, psychiatre, psychanalyste aborde dans son exposé le difficile problème du secret partagé. La loi de Mars 2007 réformant la protection de l’enfance autorise le partage du secret entre professionnels tenus au secret. Si l’échange d’informations concernant les familles peut être utile voire indispensable pour mettre en place des actions adaptées et coordonnées, il est nécessaire de s’interroger sur ce qui doit être partagé avec « tact et discrétion ».

Les articles de d’Elian DJAOUI, psychosociologue « Intimité, Travail social, Protection de l’enfance » et de Marie Christine DELPEYROU, directrice d’un centre d’accueil « Les frontières entre espace intime privé et public dans le quotidien des familles d’accueil » abordent les réalités concrètes auxquelles les professionnels du champ social sont confrontées dans leur pratique quotidienne.

Dans un partenariat établi avec l’Espace Cesame, des jeunes ont pris la parole à travers quelques poèmes.